Définition des perturbateurs endocriniens

L’OMS définit les perturbateurs endocriniens (PE) comme étant des « substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle, étrangères à l’organisme et qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants ».

 

Le système endocrinien :

Ce système est constitué de glandes (thyroïde, pancréas, hypophyse…) qui fabriquent des hormones (hormones thyroïdiennes, insuline, adrénaline, hormones sexuelles comme les œstrogènes et la testostérone…). Ces hormones passent dans la circulation sanguine et transmettent des messages en se fixant sur des récepteurs à la surface de certaines cellules. De nombreuses fonctions sont régulées de cette façon ( développement fœtal, croissance, puberté, fonctions de reproduction, cycle ovarien chez la femme, régulation de la glycémie…).

Système endocrinien

 

Le mode d’action des perturbateurs endocriniens

Les perturbateurs endocriniens sont des substances dont « la forme » est proche de celle d’une hormone. Ils peuvent donc prendre la place de l’hormone en se fixant sur son récepteur.

  • Certains PE activent le récepteur comme s’il s’agissait de la vraie hormone. On aura donc un effet en excès non souhaité (effet agoniste)
  • D’autres PE se fixent sur le récepteur, sans l’activer. Cependant le récepteur est bloqué et l’hormone ne peut plus se fixer. On aura donc une absence d’effet même s’il y a une quantité normale d’hormones (effet antagoniste)

Il existe enfin des PE qui perturbent la production, le transport, l’élimination d’une hormone ou de son récepteur.

 

Les caractéristiques de leurs effets

 

L’effet dose

En toxicologie « classique » on dit que c’est la dose qui fait le poison. Plus la dose est élevée, plus les effets seront importants (Courbe monotone). C’est pour cela que pour chaque produit toxique, il existe une Dose Journalière Admissible (DJA) qui est la dose à laquelle on peut être exposé toute notre vie sans aucun risque.

Cependant, cet effet dose n’existe pas avec les perturbateurs endocriniens. L’effet n’est pas proportionnel à la dose (courbe non monotone). Ils ont un effet toxique dès les plus petites doses, cet effet pouvant même s’atténuer pour les fortes doses.

perturbateurs endocriniens

Courbes effets dose

 

L’effet cocktail

Généralement nous ne sommes pas exposés à un seul perturbateur endocrinien. Or les effets toxiques de ces différents perturbateurs ne font pas que s’additionner. Par exemple, si vous êtes exposés à un PE dont l’effet toxique est 1, et à un autre dont l’effet toxique est 2, l’effet cumulé peut être de 50. Le coefficient multiplicateur peut aller jusque 1000.

 

L’effet cumulatif

Cet effet n’est pas spécifique aux perturbateurs endocriniens. Dans les études il faut prendre en compte le fait que nous sommes exposés tout au long de notre vie. Et que certaines périodes sont plus sensibles que d’autres à la perturbation hormonale : période fœtale pour le bébé et grossesse pour la maman, premières années de vie où les fonctions sont en plein développement, adolescence, ménopause…

 

L’effet différé

Il s’agit du délai entre l’exposition à un toxique et la survenue de l’effet. Là encore ce n’est pas spécifique des perturbateurs endocrinien. Vous pouvez par exemple être exposé pendant la vie fœtale et le petite enfance et avoir des troubles de la fertilité à l’age adulte.

 

Où les trouve-t-on dans la maison?

Les substances qui ont une activité de perturbateurs endocriniens sont nombreuses. EN 2013 l’Organisation Mondiale de la Santé en comptait 177. Aujourd’hui elles sont innombrables car chaque toxique a vu sa famille se développer et ils ont tous des petits cousins tout aussi toxiques.

 

La cuisine

C’est probablement l’une des pièces de votre maison dans laquelle il y en a la plus.

Dans l’alimentation tout d’abord:

– beaucoup de pesticides ou d’additifs alimentaires (comme les conservateurs), ont une activité de PE. Une étude de Générations Futures, publiée le 4 septembre 2018 montre que les 2/3 des résidus de pesticides présents dans notre alimentation ont une activité de PE.

– Les métaux lourds sont utilisés dans de nombreuses industries. Sous forme de particules fines, ils sont transportés par l’air et disséminés dans l’eau, les sols… Ils contaminent donc la chaine alimentaire où ils se concentrent progressivement dans les graisses animales. On les retrouve par exemple dans les poissons gras, les produits laitiers… L’antimoine et l’arsenic ont ainsi des effets de perturbateurs endocriniens

On trouve également des PE dans:

– revêtements anti adhésifs des casseroles: composés perfluorés

– boites plastiques (voir l’article sur le plastique ici): phtalates, bisphénol

– boites de conserve, canettes de boisson:  bisphénol

Mais aussi les moules en silicone, les boites en cartons traitées contre le gras comme les boites de pizzas, le linge de table traité contre les taches…

perturbateur endocrinien

 

La salle de bain

Les perturbateurs endocriniens se trouvent dans beaucoup de produits cosmétiques  industriels: gel douche, shampoing, masques capillaires, crèmes hydratantes, dentifrice, déodorant, mousse à raser, maquillage, vernis à ongle… Il y en a également dans certains médicaments (que ce soit la substance active ou l’excipient).

Les perturbateurs fréquemment retrouvés dans les cosmétiques sont par exemple les phtalates et les parabens. Les plus dangereux ont déjà été interdits mais ils en reste encore. Il est donc recommandé de lire les étiquettes et d’apprendre à reconnaitre les substances les plus nocives. Vous trouverez un article sur ce sujet ici.

 

Les autres pièces ne sont pas épargnées

Les textiles en sont imprégnés (canapés, coussins, rideaux, moquettes, tapis… ) car ils sont traités par des substances retardateurs de flammes, la literie traitées avec des anti-acariens, les vêtements neufs, les jouets en plastique que nos enfants mâchouillent…

N’oublions pas non plus que tous ces perturbateurs endocriniens présents dans les objets se « volatilisent ». Ainsi l’air est une source de contamination majeure. Des études de qualité de l’air intérieur montre la présence en quantité assez importante parfois, de phtalates et d’alkylphénols. Ils proviennent de certains matériaux de construction en PVC par exemple (encadrement des fenêtres…), des jouets ou tout objet en plastique, des appareils électroniques ou meubles traités aux retardateurs de flamme…

Ce problème de santé publique est aujourd’hui bien identifié par les autorités. En avril 2014 les ministres de l’environnement et de la Santé ont publié leur stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Le 3ème Plan National Santé Environnement met aussi l’accent sur la réduction de l’exposition des personnes les plus sensibles que sont les femmes enceintes et les nourrissons.  Des moyens ont été engagés afin d’approfondir notre niveau de connaissance sur ces substances et leurs effets. Plusieurs études épidémiologiques sont également en cours.

Je mettrai bientôt en ligne un article faisant le point sur les données médicales disponibles.

Sources:

Génération Future : Rapport d’experts

Plan National Santé Environnement

Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens