En quelques années, notre téléphone portable est devenu notre doudou. En effet, il est à coté de nous toute la journée, éventuellement dans la poche de notre pantalon, il est souvent le premier objet que l’on prend en main le matin et le dernier que l’on touche le soir. Certains le mettent même sous l’oreiller pendant la nuit. Cependant cet usage intensif n’est pas sans effet sur notre santé. Je vous propose donc de faire un état des lieux des connaissances concernant le risque des ondes électromagnétiques radiofréquences. Le sujet étant très vaste nous verrons aujourd’hui le risque de tumeur cérébrales.  

 

De quelles fréquences parle-t-on?

 
Les champs électromagnétiques résultent du couplage d’un champ électrique et d’un champ magnétique qui oscillent.
 
 
téléphone portable
 
 
 
Ils se propagent et transportent de l’énergie utilisée pour transmettre de l’information. Cette énergie est également susceptible d’être cédée à un milieu qui s’échauffe tandis que l’onde est atténuée. C’est par exemple le cas de votre téléphone qui chauffe pendant un appel.
 
La fréquence de l’onde correspond au nombre d’oscillations des champs par seconde (exprimée en hertz). On distingue généralement les basses fréquences (de 0 à 10 kHz environ), les radiofréquences (de 10 kHz à 300 GHz) et les rayonnements ayant une fréquence plus élevée (ex. infrarouges, rayonnements ultraviolets,rayons X).
 
 
 

 

Téléphone portable et cancer du cerveau

 

Classement du CIRC, 2011

 

L’éventuelle implication du téléphone portable dans la survenue de cancers cérébraux fait polémique depuis plusieurs années. En effet, lors d’un appel téléphonique les ondes émises sont proches du cerveau. Cependant les résultats des différentes études ne vont pas toutes dans le même sens. Cela rend difficile l’analyse des résultats. De plus en matière d’évaluation des facteurs de risque, le délai entre l’exposition et la survenue d’un cancer est un élément important. Pour l’amiante par exemple ce délai peut aller jusqu’à 40 ans. On comprend bien que pour démontrer le caractère cancérogène de l’amiante il a fallu du temps. Or notre recul actuel concernant l’usage intensif des téléphones portables est faible.

C’est pourquoi, en mai 2011, le Centre International de Recherche sur le Cancer a classé les radiofréquences des téléphones portables comme cancérogènes possibles (2B). Article sur cette classification ici. Ce centre précise également qu’il est nécessaire d’avoir des données complémentaires concernant l’exposition intensive et à long terme de ces radiofréquences. Vous trouverez ici le résumé de la monographie du CIRC sur ce sujet.

 

Étude Cerenat, 2014

 

En 2014, l’étude Cerenat apporte justement des données en fonction de l’intensité de l’utilisation du téléphone. Les résultats disponibles ne montrent pas d’association entre les tumeurs cérébrales et l’utilisation modérée du téléphone portable, définie comme une utilisation d’au moins une fois par semaine depuis au moins six mois (très peu donc). Cependant, les grands utilisateurs (définis à partir de 15h d’appels par mois ou de la durée cumulée des appels au cours de la vie à 896h) avaient un risque significativement augmenté de gliome.

Nous montrons que l’utilisation massive du téléphone portable, supérieure ou égale à 896h d’appels dans une vie serait associée au développement de tumeurs cérébrales. Chez ces personnes, le risque d’avoir une association positive entre l’utilisation du téléphone et le développement de tumeurs cérébrales est augmentée pour celles qui téléphonent plus de 15h par mois. explique Isabelle Baldi, coauteur de ces travaux. Petite remarque personnelle à propos de ce qui est considéré comme un usage intensif, à savoir 896 heures d’appel cumulées sur une vie… Cela correspond à 1 heure par jour pendant 2 ans et demi… 1/2 heure par jour pendant 5 ans… 1/4 d’heure par jour pendant 10 ans… 10 minutes par jour pendant 15 ans… Autant dire que nous avons tous un usage intensif du téléphone. Si vous avez entre 30 et 40 ans et que vous utilisez déjà votre téléphone portable depuis 10 ans, il y a fort à parier que dans 10 ans vous serez à ces 896 heures d’appel…

 

Les données de 2018

 

  •  Étude anglaise publiée dans le « Journal of Public Health and Environment ». Cette étude montre que la fréquence d’un certain type de tumeur cérébrale, le glioblastome, a doublé depuis 1995. Cependant cette étude ne prouve pas la responsabilité du téléphone portable dans cette augmentation. «Notre recherche n’est pas consacrée aux portables, elle vise spécifiquement les tumeurs. Néanmoins, les portables semblent être la cause la plus vraisemblable de leur apparition», explique Alasdair Philips, l’un des auteurs de la recherche.
  • 2 études américaines sur 3000 rats. Ces études ont duré 10 ans avec des expositions importantes des rats.  Elles visaient à simuler une exposition type habitation près d’une antenne relai. Les résultats montrent une légère augmentation des tumeurs du cœur et du cerveau chez les rats mâles.

A ce jour, la question n’est toujours pas tranchée. Il faut encore confirmer les premiers résultats par d’autres études. Quels sont les seuils des faibles utilisations sans risques, des utilisations intensives à risque, et au milieu, il se passe quoi? Et il faudra raisonnablement encore plusieurs années avant de pouvoir avoir des certitudes dans un sens ou dans l’autre. Il parait donc nécessaire de prendre quelques précaution en attendant d’en savoir plus.

 

Le cas particulier des enfants

 

Les enfants constituent un groupe particulièrement à risque pour plusieurs raisons : – L’usage précoce du téléphone et donc une durée d’utilisation très longue pendant toute leur vie. – Un développement en cours de leurs organes et de leurs fonctions physiologiques – « Des modélisations numériques de l’exposition de la tête montrent que, pour des raisons anatomiques ou liées aux propriétés diélectriques des tissus jeunes ou immatures, les enfants peuvent être plus exposés que les adultes, en particulier au niveau des aires cérébrales les plus proches de la boîte crânienne.

De plus, les études ayant évalué le DAS « corps entier » rapportent des niveaux d’exposition
plus élevés chez les enfants que chez les adultes, en particulier dans deux gammes de fréquence : vers 100 MHz et autour de 1 à 4 GHz. Le DAS peut alors dépasser les restrictions de base de 40 % lorsque l’exposition est égale au niveau maximal autorisé pour les adultes (niveaux de référence). Ceci signifie que pour toute personne de taille inférieure à 1,30 m, les valeurs limites d’exposition réglementaires sont moins adaptées. » ( Avis de l’ANSES)
 
Devant ces spécificités, l’extrapolation de données chez l’adulte ne semblent pas avoir d’intérêt. Des études chez l’enfant sont donc nécessaires. L’étude MOBI-KIDS, coordonnée en France par Brigitte Lacour, est un projet de recherche épidémiologique international (15 pays participants) qui vise à évaluer, chez l’enfant et l’adolescent, le risque potentiel de tumeur cérébrale lié à l’exposition aux radiofréquences et aux extrêmement basses fréquences générées notamment par la téléphonie mobile. Les résultats de cette étude sont attendus pour 2019.
 

 

Recommandations pour limiter notre exposition

 

Une attention toute particulière doit être portée aux enfants. Il est important de leur apprendre les règles de bon usage d’un téléphone portable et de limiter le plus possible son utilisation. N’oublions pas qu’ils vont être exposés toute leur vie aux ondes radiofréquences et que les sources d’exposition sont nombreuses.

Utiliser un kit main libre ou la fonction haut parleur lors des appels. Le principe étant d’éloigner le plus possible le téléphone de notre cerveau.

Attention pour autant à ne pas le mettre dans la poche du pantalon. Nous verrons dans un prochain article les risques de troubles de la fertilité.

Privilégier l’envoi de SMS quand il suffit de communiquer des informations courtes.

Se servir du téléphone dans les zones de bonne réception. Si votre téléphone capte mal la puissance d’émission augmente.

Éviter de téléphoner dans les transports. Votre téléphone va essayer de capter plusieurs antennes relais pendant votre déplacement et émettre plus d’ondes.

Éviter les conversations trop longues. Vous le sentez que votre téléphone chauffe?

Choisissez un téléphone avec le DAS le plus faible possible (débit d’absorption spécifique). Les téléphones ont des taux d’émission différents. Le DAS mesure le niveau de notre exposition aux ondes.

Les accessoires anti ondes ne fonctionnent pas. Ne pensez donc pas que le patch que vous avez collé vous protège. Au contraire, il peut obliger votre téléphone a émettre plus d’ondes.

Avez-vous évalué votre niveau d’exposition aux ondes? respectez-vous les recommandations?

 

Bibliographie

 

Coureau G, Bouvier G, Lebailly P, Fabbro-Peray P, Gruber A, Leffondre K, Guillamo JS, Loiseau H, Mathoulin-Pélissier S, Salamon R, Baldi I. Mobile phone use and brain tumors in in the CERENAT case-control study. Occup Environ Med 2014, 71(7):514-522. Monographie cancer environnement : http://www.cancer-environnement.fr/289-Vol-102–Cancerogenicite-des-champs-electromagnetiques-de-radiofrequences.ce.aspx

Exposition aux radiofréquences et santé des enfants: Avis de l’Anses Rapport d’expertise collective: https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2012SA0091Ra.pdf