Nous avons déjà vu quelques généralités sur les perturbateurs endocriniens (PE). Je vous propose maintenant de prendre l’exemple de 2  perturbateurs présents dans les cosmétiques: les phtalates et les parabens.

 

Les Phtalates

Structure chimique et utilisation en cosmétique

 

Cette famille comprend plusieurs formes différentes (di-2-ethylhexyle, benzylbutyle, dibutyle…) appelées par les acronymes de leurs structures chimiques (DEHP, BBP, DBP…)

Les phtalates sont utilisés dans la majorité des produits en PVC (plastique N°3). Ils ont la propriété de les rendre souple. On peut alors se demander quel est leur intérêt dans la composition  des cosmétiques.

Concrètement, les fabricants de cosmétiques se servent des phtalates comme fixateurs. En effet, ils permettent à votre vernis de ne pas s’écailler trop vite, à votre laque de tenir plus longtemps et à votre parfum de vous accompagner toute la journée. S’ils sont présents dans les vernis ou les laques, vous les trouverez dans la liste des ingrédients sous la forme d’un des acronymes cités plus haut . Par contre, pour les parfums, il n’y a pas de liste d’ingrédients. Il en va de même pour tous les cosmétiques parfumés où l’association parfum/ fixateur est résumé en Parfum. Autant dire que la majorité des cosmétiques sont parfumés et contiennent donc des phtalates masqués.

L’autre source possible pouvant expliquer la présence de phtalate dans les cosmétiques est une contamination à partir de l’emballage. En effet si votre cosmétique est conditionné dans un pot en PVC Phtalates  , les phtalates peuvent migrer du pot vers la crème.

 

Les risques pour la santé

Les phtalates sont toxiques pour la reproduction, diminuent la production de testostérone et seraient impliqués dans la survenue de puberté précoce chez les petites filles. Ils augmentent également le risque de survenue de cancers du sein et des ovaires. A ce titre, la famille des phtalates est classée dans la liste des produits dits CMR (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction).

Mais ils sont également impliqués dans les maladies métaboliques comme l’obésité et le  diabète.

Les plus dangereux sont actuellement interdits dans l’utilisation de matériel de puériculture ou de jouets, dans les matériaux et objets en plastique au contact des aliments « gras » et dans les cosmétiques .

 

Principe de précaution ?

Cela signifie-t-il pour autant, que les phtalates encore autorisés sont sans effets toxiques quelque soit l’age et le sexe de l’utilisateur? Pas forcément.

On imagine aisément qu’il est difficile de faire une étude sur des femmes enceintes de petits garçons pour évaluer la toxicité de ces substances sur le développement du fœtus. Or on sait qu’il existe une augmentation de la fréquence des malformations de l’appareil urogénital mâle, une baisse de la qualité du sperme des hommes. Mais quelles molécules sont responsables  de ces modifications? Des molécules utilisées seules ou certaines combinaisons de PE? A quel moment doit-on appliquer le principe de précaution? Tôt, quand le risque n’est que suspecté à partir de données chez l’animal? Tard, quand le risque chez l’homme est avéré et que malheureusement beaucoup d’individus ont été exposés?

Pour moi plusieurs principes de bons sens peuvent s’appliquer.

Un bébé n’a pas besoin de produits parfumés et encore moins de parfum. Les produits non rincés (type lingettes) doivent être utilisés occasionnellement quand il n’y a pas d’autres solutions. A la maison rien de mieux que de l’eau et du savon (du vrai savon de Marseille sans conservateur). Vous pouvez relire l’article sur les lingettes pour bébé ici.

Attention également aux femmes enceintes. Et oui ce n’est pas drôle… encore une chose à ne pas faire. Êtes-vous sûre que vous ne pouvez pas vous passer de votre vernis à ongle pendant 9 mois? ou au moins diminuer son utilisation? Sur les bouteilles de vin et d’alcool en général, il y a un pictogramme ou une mise en garde qui précise que lorsqu’on est enceinte il ne faut pas boire d’alcool. Il n’existe aucun pictogramme de ce genre sur les produits cosmétiques. Et pourtant…

 

Les Parabens

 

Structure chimique et utilisation en cosmétique

Les parabens sont une famille de substances ayant une structure commune (PARAhydroxyBENzoate d’alkyle) 

Les parabens sont des conservateurs. Ils empêchent le développement de bactéries et de champignons.

En cosmétique 4 parabens sont encore utilisés. 2 parabens à « chaine courte » éthylparaben et méthylparaben et 2 parabens à « chaine longue » Propylparaben et butylparaben

 

Les risques pour la santé

Les parabens sont des perturbateurs endocriniens puisqu’il sont capables de se fixer sur les récepteurs œstrogéniques. Cependant la réponse induite par la fixation au récepteur est 10000 à 1 million de fois plus faible que la réponse induite par l’œstrogène naturel, le 17 β estradiol.

Une étude publiée en 2004 montrait la présence de parabens dans des cellules de cancer du sein. On savait déjà à cette époque que les parabens étaient des perturbateurs endocriniens. Comme certains cancers sont hormonaux dépendants, cette étude a semé le doute sur le risque cancérogène des parabens. Plusieurs études in vitro et in vivo ont été réalisées depuis pour essayer de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse, mais elles ne vont pas toutes dans le même sens.

La toxicité des parabens est variable et dépend de la longueur de la chaine. Les parabens les plus dangereux (isobutyl, isopropyl, benzyl, pentyl et phénylparaben) sont interdits depuis 2014. A contrario, certains experts considèrent que les chaines courtes (ethyl et methylparaben) sont sans danger.

Il reste donc dans les cosmétiques 2 parabens qui posent véritablement un problème du fait de leur effet perturbateur endocrinien, le propyl et le butylparaben. Depuis 2015 ils sont d’ailleurs interdits dans les produits sans rinçage destinés à nettoyer le siège de bébé, tels que les lingettes. Attention, ils ne sont interdits pas dans les lingettes pour les mains ou le visage. Il existe un moyen mnémotechnique pour retenir leur nom, la technique PB. Propylparaben et Butylparaben ne sont Pas Bons.

 

Principe de précaution

Pour les parabens le principe de précaution a été utilisé de façon massive. La presse féminine a beaucoup communiqué sur l’étude de 2004 mettant le doute sur l’implication possible des parabens dans le cancer du sein. Le rejet des consommateurs a été tel, que la mention « sans paraben » est devenu un argument de vente. Comme on a tout de même besoin de conservateurs, le Méthylisothiazolinone (MIT de son petit nom) sert fréquemment de substitution. Et ce n’est pas mieux… Certes le MIT n’est pas un perturbateur endocrinien mais il est un puissant allergisant. Il a pour cette raison été à son tour interdit dans les produits non rincés.

 

Conclusion

La toxicité des perturbateurs endocriniens est difficile à démontrer de façon certaine. En effet la sensibilité à ces molécules varie en fonction de certaines périodes de la vie (vie fœtale, femmes enceintes, nourrissons, puberté…), ou de certaines associations de perturbateurs entre eux, ce qu’on appelle l’effet cocktail. Cela rend difficile la réalisation d’études.

A chacun d’ appliquer son principe de précaution en fonction de la composition de sa famille. De mon coté je n’utilise pratiquement aucun produit cosmétique industriel. Je fabrique certains produits au fur et à mesure de mes besoins. Comme ça pas de conservateurs, pas de parfum.

Si vous n’êtes pas prêts à passer ce cap, vous pouvez aussi vérifier la composition des cosmétiques avant de les acheter. Vous trouverez sur ce site un article pour apprendre à lire les étiquettes de cosmétiques. Je mets également en ligne des articles de décryptage. Ils vous permettent de vous entrainer avec des étiquettes réelles. Enfin, plusieurs applications vous proposent d’analyser  les produits avec une simple photo de la liste des ingrédients.

Source

Dabre PD, 2004 : Concentrations of parabens in human breast tumors

Rapport de l’Anses sur la toxicité des phtalates